vendredi 12 décembre 2008

Parlons affaires


Pourquoi de la gestion de l’eau en Arizona ?


Parce que c’est fascinant de se rendre compte des trésors d’ingéniosité qui peuvent être déployés quand il s’agit de gérer l’eau dans une région qui n’en a pas, mais qui continue cependant de se développer et de grandir.


(Non en fait, la vraie raison c'est que depuis que l’or bleu a remplacé l’or noir dans le dernier 007, on s’est dit qu’on allait tenter notre chance pour faire James Bond Girls dans le prochain opus!)

Phoenix, qui s'étend sur quelques 1 340 km2 dans le désert


Roosevelt Dam


En Arizona on distingue 4 types de source d’eau, qui sont toutes gérées de façon totalement différente:


-D’abord l’eau de surface (celle des rivières) : Pour être honnêtes ça fait plusieurs mois qu’on travaille sur l’eau, mais on en a pas encore vu beaucoup : la rivière qui traverse Tucson est sèche, comme les nombreux « wash » qui traversent le désert (des oueds quoi).


La Santa Cruz River, à Tucson, en temps "normal"


Ici il ne pleut pas, sauf pendant la mousson, en Juillet-Aout où des trombes d’eau s’abattent sur la région. En moins d’une heure, tous les lits de rivière débordent, tout est inondé. Et parfois ça arrive aussi en hiver.




La même Santa Cruz, toujours à Tucson, pendant les Monsoon rains


De plus, la plupart des rivières ont été asséchées jusqu’à la dernière goutte par la population grandissante de la région. Toujours est-il que pendant les rares épisodes où de l’eau coule, elle est gérée par la loi de « prior appropriation : first in time, first in right ». En gros, le premier à avoir dit : « ceci est mon eau », il a droit de prendre la quantité d’eau qu’il a demandé. Cette loi a été établie du temps des premiers pionniers chercheurs d’or dans la région…et n’a pas changé depuis!



Donc avant de prélever de l’eau dans la rivière il faut que tu sois sur que tous ceux qui ont un droit « senior» sur toi aient bien pris toute l’eau dont ils avaient besoin, et là seulement tu peux te servir.... s'il en reste.


Et devinez quoi, l’environnement n’a pas été foutu de réclamer ses droit à l’eau à temps, donc maintenant certaines personnes se battent pour essayer d’obtenir des « instream rights » (qui n’existent de fait que depuis 1990); En gros ce sont des droits à l’eau pour la rivière et toute la faune (hors homme) et la flore qu’elle supporte.


Un tronçon de la Santa Cruz où un projet de restauration environnementale a réussi à obtenir de l'eau, même si sa qualité est discutable


Il faut dire que la psychologie ici est différente vis-à-vis de l’eau : de l’eau qui coule et qui va se jeter dans l’océan au lieu d’être utilisée pour irriguer, pour boire, pour les mines, c’est de l’eau gâchée !


- Il y a aussi l’eau des aquifères : qui a été la seule vraie et importante source d’eau pendant de nombreuses années à Tucson et qui a permis l’explosion économique et démographique d’après guerre.

Résultat : l’eau a été complètement sur-pompée, les aquifères sont maintenant à des niveaux beaucoup trop bas et se remplissent bien plus lentement qu’à la vitesse à laquelle on retire l’eau. C’est la crise, il faut faire quelque chose !


Un affaissement de terrain dû à la surexploitation des nappes dans le centre-sud de l'Arizona (tiens tiens, mais Tucson c'est dans le centre-sud de l'Arizona!)


- La solution (miracle?) est arrivée avec la construction du CAP (Central Arizona Project), qui est en fait un immense aqueduc pour divertir l’eau du Colorado jusqu’à Phoenix puis Tucson. C’est assez impressionnant de voir ce canal qui traverse le désert en zigzagant.

Construction achevée en 1993, 336 miles (538 km) de canal, 15 stations de pompage (forcément on amène l’eau du niveau 0 à 840m à Tucson), 4 milliards de dollars, 1 850 Millions de mètres cube d’eau par an, et un bon paquet d'emmerdements politiques, juridiques, financiers.....


Une station de pompage


MAIS le gouvernement fédéral a quand même dit : bon, 4 milliards de dollars, ok, mais seulement si c’est la dernière fois, et si par ailleurs vous faites vraiment quelque chose pour réduire la surexploitation des nappes phréatiques! Quelques moi plus tard, l’Arizona a pondu son « Groundwater Management Act » (GMA), qui limite sévèrement l’utilisation de « groundwater », mais pas dans tout l’état… mais ça devient compliqué.


- Enfin les eaux usées ou "effluent" : les gens commencent à s’intéresser à l’eau qui sort des usines de traitement, qui acquiert aujourd’hui de plus en plus de valeur. C’est en effet la seule source d’eau dont le volume augmente en parallèle avec la population. On « recycle » donc l’eau pour arroser les jardins, les terrains de golf (c'est le summum de la classe de golfer au milieu des cactus....) pour le refroidissement de la centrale nucléaire, etc.




Et c'est pas fini :


A tout ça viennent s’ajouter les batailles sans merci que se livrent les états entre eux, particulièrement à propos de l’eau de la rivière Colorado (les ennemis jurés des Arizoniens étant ces foutus Californiens, qui sous prétexte qu’ils ont plein de fric s’octroient le droit de pomper à outrance l’eau du Colorado).


Mais aussi les batailles avec le Mexique (enfin batailles… là on sait qui gagne en général), les fleuves ne s’arrêtent pas de couler aux frontières, et ça crée des bonnes embrouilles!


Et les Indiens qui viennent pardessus ça réclamer leurs droits à l'eau :


Chef indien : « First in place first in Right ? : hé nous on était les tout premiers alors, on veut de l’eau »

Gouvernement Az : « non, on en a besoin, dégagez »

Plusieurs procès plus tard...

Gouv Az (un peu poussé par Gouv Fed) : « Bon allez on vous donne de l’eau »

Chef Indien : « on en veut plus que ça »

Gouv Az : « non, on en a besoin, dégagez »

Plusieurs procès plus tard...

Gouv Az (un peu embêté quand même) : « bon ok, on vous donne plus d’eau»

Chef Indien : « heu bon, maintenant on vous la loue, parce qu’on n’a pas les infrastructures et pas l’argent pour tout utiliser »


Jusque là, ça va à peu près, au moins Gouv Az, techniquement, a gardé la même quantité d’eau, mais quand Chef Indien va avoir accumulé assez de sous pour construire ses infrastrucures, bah il va récupérer son eau… OR, quand les pionniers et tous ceux qui sont venus après se sont appropriés l’eau des rivières par la règle de « prior appropriation », ils n’ont pas compté sur le fait qu’on rendrait un jour aux Indiens ce qui leur revient, résultat… les rivières sont complètement « over-allocated » : le volume d’eau en droits dépasse de loin le volume qui coule dans la rivière. Oups !



Mais si le côté juridique et gestion, c'est pas trop votre truc, vous pouvez quand même vous régaler sur le plan technique avec une nouvelle merveille d'ingéniérie: les gigantesques projets de « recharge des aquifères » .

Une façon beaucoup plus ingénieuse que les barrages de stocker l’eau :

1) elle se purifie quand elle s’infiltre (donc moins besoin de la traiter avant de la distribuer ),

2) elle ne risque pas de s’évaporer quand elle est sous terre.

Mais ça demande des sacrées infrastructures: il faut construire les bassins de recharge, les puits pour aller rechercher l’eau ensuite…


Bassins de recharde à Avra Valley, à l'ouest de Tucson


Et encore tout ce qu’on vous dit là c’est du super condensé, on pourrait déblatérer des heures sur le sujet !


« From its source in the Rocky Mountains, the Colorado River drains some of the most stunning, hostile and arid topography on the planet. As a result on the demands placed on its flow by seven states and Mexico, the Colorado has been the most litigated, regulated, politicized, and argued-about river in the world ». Enjoy !




Voilà, c'était pour vous donner un petit aperçu du background. Dans un prochain article: Et les deux petites stagiaires Frenchies dans tout ça, elle s'occupent comment ?

jeudi 4 décembre 2008

C'est pas que dans les films...

Juliette a fait tout le chemin depuis Vancouver et Marie Anne depuis San Francisco pour venir hiker dans le Grand Canyon, unfortunately, il a neigé...et sans l'équipement approprié c'est un peu dangereux de s'aventurer à passer la nuit dans le canyon, c'est quand même un environnement hostile (c'est le désert, c'est la montagne...). On s'est donc organisé un petit plan B en forme de road trip dans le far west des plus sympathiques, comme dans les films mais en vrai!

Qui dit route de l'Ouest Américain dit désert à gauche, désert à droite, des miles de ligne droite et la montagne dans le fond qui semble ne jamais se rapprocher (et on est content d'avoir bien fait le plein avant de partir, un plein à 1,75$/gallon, quand même!).



Premier arrêt: Sonoita, une "ville" connue pour ses vignobles, faut pas nous le dire deux fois!



les vignobles... American size

L'exploitation...American open space


et la désormais incontournable photo grignonaise


On continue direction Bisbee, une ancienne ville minière, 25 000 habitants en 1930, 6 000 aujourd'hui depuis la fermeture de la grande mine de cuivre en 1975, mais pourtant bien vivante. Au lieu de devenir une ville fantôme comme bien d'autres petits towns de l'Ouest, Bisbee a été investie par les hippies à la recherche de calme et d'air frais. Le résultat aujourd'hui, c'est une ville "d'artistes". La description qu'en donnent les arizoniens est, le plus souvent: "it's different. you'll have fun!"

Les mines de cuivre ne sont plus aujourd'hui en activité, mais on peut les visiter, et c'est un ancien mineur qui nous sert de guide!


On descent à plus de 1 500 feet dans les boyaux de la montagne, arnachés comme des vrais mineurs. Les conditions de travail y étaient vraiment épouvantables et dangereuses, et surtout quand on éteint toutes les lampes à l'intérieur, on est entourés par le noir le plus dense que j'ai jamais connu... (petite pensée pour les mules qui vivaient plus de 10 ans dans la mine sans jamais en resortir et qui devenaient inévitablement aveugles)

C'est plutôt un soulagement de retrouver la surface!



une partie de la mine qui a été exploitée à ciel ouvert

Pour passer la nuit, on trouve un Ranch-camping complètement paumé à quelques miles de Bisbee, en fait la plupart des gens y habitent à l'année dans des caravanes.



Il n'y avait que deux tentes dans tout le camping, et la nuit était tellement silencieuse que ça nous en aurait presque empêché de dormir. Le matin, tous les résidents prennent leur café ensemble dans la seule maison du terrain, et là, la proprio nous apprend qu'elle a retenu son mari de venir nous faire peur pendant la nuit...On aurait très certainement eu la trouille de notre vie!

On va prendre en ville un vrai brunch américain à 1 500 calories: bacon&eggs, pancakes&sirop.


Après un passage par Douglas (ville frontalière avec la Mexique), juste histoire de dire qu'on a vu le mur, on part direction le parc National de Chiricahua, "le pays des rochers qui se tiennent debout".
Ce sont les montagnes où les Apaches trouvaient refuge et d'où Geronimo et son pote Cochise (qui donna son nom au county) lancèrent plusieurs attaques contre les pionniers.




Après le coucher du soleil, on reprend la route pour atterrir à Willcox, où on passe la nuit dans un Motel 6, en mangeant des pizzas devant Star Wars (épisodes 4 et 5...et pourquoi pas le 6? ça se fait pas!)

Pour notre dernier jour on suit les traces de Lucky Luke, direction la mythique ville de Tombstone.

On commence par un passage obligé au cimetière: "boothill cemetary" (mais d'où vient ce nom ?), où l'on apprend que les pionniers avaient plutôt la gachette facile.

Mais aussi:
- killed by Indians
- Shot over the color of his shirt
- Stabbed (by "Gold Dollar", les femmes aussi n'étaient pas des tendres!)
- Found in a abandonned mine
- Natural death (mais il y en a peu!)

Mais notre préféré, à l'unanimité reste:

Quelques images de la ville, qui a été complètement conservée en état...On s'y croit vraiment! D'ailleurs, on fait très difficilement la différence entre les figurants qui sont là pour nous les touristes, et les vrais cowboys qui vont boire un verre au Saloon.



Le fameux journal de Tombstone: l'Epitaphe (et en plus ils avaient le sens de l'humour!).



Et enfin, le fameux...
La bataille à O.K. Corral, que tout bon lecteur de Lucky Luke connaît, et qui a fait l'objet de nombreux Westerns.



Pour plus de précisions sur Bisbee et Tombstone cliquez ici